Julien Bosc, La coupée
Julien Bosc nous a quitté soudainement.
Editeur, poète, ami.
En 2017 paraissait La coupée, texte écrit lors de son séjour en cargo.
De ce voyage, il disait avoir totalement modifié son rapport à l'écriture. Il n'a éprouvé durant ces longues heures en mer aucun ennui, aucune lassitude, mais un véritable émerveillement à regarder. Pour la première fois, disait-il, il regardait réellement ce qui l'entourait. Une sorte d'acuité nouvelle au monde, qu'il rapportait ensuite dans son écriture.
* * *
Ne voir que la mer
(calme ridée ou tel à présent forte)
l’horizon tout autour de soi
(ne sachant plus à force de l’observer quelle figure il dessine
est-ce un cercle un rectangle une géométrie mouvante)
le ciel
(nuageux ouvert ou l’un et l’autre et variant sans cesse et de
matières et de couleurs)
la lune si c’est son heure
puis l’aurore
et dans l’aurore à cinq heures
de derrière et sous l’horizon
l’émergence d’un parfait cercle orange
révélatrice fascination solaire d’un temps d’enfance précédant les légendes
[extrait]
Sur la passerelle
sinon le silence
l’invariable ronflement des machines
les communications radio avec d’autres châteaux silencieux
les coordonnées du cap
zero four zero
sa reprise par le pilote
zero four zero
l’annonce de l’exacte position d’un plus ou moins lointain navire
(relevée au compas)
les premières variations d’une mélodie
(pour se tenir éveillé se détendre se souvenir)
l’ébullition dans la bouilloire
(pour qui un café qui un thé)
un bref échange
un rire
et
pilote capitaine ou second officier à part soi
ses peines et ses rêves
les caresses et mots qui précédèrent le départ
les premiers qu’on voudra dire ou taire quand de retour chez soi
et ainsi tout d’une vie
puisque partout la mer le ciel les éléments
le sifflet du vent
et encore le vent et encore la mer
et parole sacrée jamais mot qui ne soit de trop
Autres publications du même auteur :
L’oculus, l’Ether vague/Patrice Thierry, 1992.
Préludes, l’Ether vague/Patrice Thierry, 1995.
Distraction, Éditions Détroit, 1999.
Pas, Éditions Unes, 1999.
Je n’ai pas le droit d’en parler, Atelier la Feugraie, 2008.
Dans le pinceau du phare (in « Géotopoét(h)ique du territoire
de la Creuse »), Jean-Paul Ruiz Editeur, 2011.
Maman est morte, Rehauts, 2012.
Tout est tombé dans la mer, Approches, 2014.
De la poussière sur vos cils, La tête à l’envers,
2015.
Le corps de la langue, préface de Bernard
Noël, Quidam, 2016.
28 p., 18x13,5 cm, 8 €
Couverture de Marc Girard - Jours de vagues